Saint Sulpice-Laurière

Rites funéraires

105Les rites funéraires

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« …devant leur fils inerte, Adam et Eve pleurèrent, crièrent, se lamentèrent. Quand ils n’eurent plus de larmes, ils contemplèrent Abel avec un désespoir muet. Que faire du corps éteint ?
Aux pieds des parents éplorés tomba soudain le cadavre d’un corbeau. Aussitôt survint un autre corbeau qui creusa le sol avec bec et ongles, puis enfouit son compagnon dans la terre. Alors Adam se leva, creusa une fosse et enterra le corps de son fils. »
(Contes et légendes de la Bible – Michèle Kahn)
C’était le premier enterrement. La créature de poussière retrouvait son milieu d’origine. On le voit, la cérémonie fut simple et familiale. On soustrayait le corps inerte aux atteintes des vivants, et on se l’ôtait de la vue pour que vienne plus vite la résignation et l’oubli.. .. 

Les archéologues s’emploient à rechercher dans la mémoire des textes, des gens, du sol les indices qui enseignent et qui expliquent les choses, ce qui correspond à notre besoin de savoir et de comprendre. Dans ce cadre ils s’intéressent aux rites funéraires, aux boîtes mortuaires, aux objets qu’elles peuvent contenir, à la toponymie des cadastres, à la tradition orale. Les ethnologues y trouvent des indications sur les types de sociétés et sur les rapports des hommes entre eux. Les rites funéraires de l’Egypte des Pharaons  restituent quatre millénaires de cette lointaine civilisation. Notre sol ne recèle pas de semblables richesses; il a un Ph si bas qu’il ne laisse rien subsister des tissus organiques, mais il abonde en vestiges et lieux d’ensevelissement; les traces de la mort révèlent le passage de la vie : tumuli, dolmens, cippes, sarcophages, urnes, dalles tombales qui pavent nos églises, et là encore, dans ces merveilleux livres que sont les reliquaires et les châsses de nos VIP régionaux : saint Léobon, saint Etienne, saint Pardoux, saint Léonard, saint Goussaud et saint Jean-Pace.  

  • Un dolmen est une sépulture mégalithique préhistorique

(entre la fin du V° millénaire et la fin du III° millénaire, constituée d’une ou plusieurs grosses dalles (tables) posées sur des pierres verticales qui lui servent de pieds (les orthostates). Le tout étant originellement recouvert, maintenu et protégé par un tumulus. Un tunnel d’accès conduisait à la dalle mortuaire. 

               082                                      

  

Dans leur état actuel de dégradation, les dolmens se présentent sous l’apparence de simples tables, qui ont pu longtemps faire penser à des autels païens, mais il s’agit bien de chambres sépulcrales et de la partie centrale du tumulus (butte artificielle), dont le remblai a été érodé au cours des siècles. Leur architecture comporte souvent un couloir d’accès qui peut être construit en dalles ou en pierre sèche. Le lieu de sépulture, aux formes variables (rectangulaire, polygonale, ovale, circulaire…), peut aussi être précédé d’une « antichambre ». Dans certains dolmens, l’entrée présente une porte taillée dans une ou plusieurs dalles verticales.
Les dolmens qu’on peut voir dans la région de Folles, le Cluzeau, la Pierre Juge entre Chabannes et Monjourde, les Fées de Mourioux, représentent la partie noble du monument, la plus solide et qui seule subsiste, où reposait le corps du défunt . Placés près de lui, les objets de sa vie l’accompagnent dans la mort : armes, ornements, instruments usuels. Après  des millénaires ce qui présentait quelque intérêt a été pillé. Cependant au hasard d’un labour se retrouvent encore dans l’aire d’un tumulus une hache de silex ou une pointe de flèche. En son temps M. Michelet cultivateur  fit don de ses trouvailles à l’école de Bersac. De l’emplacement de las Peyraubades  ( les pierres levées) de Laurière, où l’on accède en empruntant le chemin des Morts , il ne reste rien que le nom. 

                  La nécropole païenne de Lavaud

Alors que M. Jacquemain, de Saint Goussaud, labourait son champ, le soc  heurta une pierre de dimension importante qui s’avéra être le couvercle d’un coffre enterré. Il la traîna en bordure de la parcelle pour ne plus être gêné dans ses travaux. D’autres pierres heurtaient sa charrue. Le directeur des Antiquités Historiques du TCF, informé, lui offrit de la main d’œuvre gratuite . 

La nécropole  est en bordure Est de la départementale 62, à 1800 m au Sud du Puy de Jouer, dans la parcelle du Puy Pendu du Bois. On y trouve à l’écart des lieux habités des tombes à incinération : Coffres cinéraires en granite constitués par un socle et un couvercle de formes diverses, l’assemblage étant assuré par un bourrelet circulaire s’encastrant dans un évidement du couvercle. Ces coffres étaient destinés à recevoir et à protéger une urne funéraire, elle-même abritant les cendres du défunt. 

  

                           

Coffres de sépulture à incinération – 1/couvercle de forme ovoïde – musée de Guéret  2/provenance Lavaud – visible à Saint Goussaud-mairie.

Chaque tombe se trouvait dans un alvéole creusé dans le tuf, calée par des pierres non jointées. Toutes avaient été profanées depuis longtemps, tous les couvercles étaient renversés, à l’exception de l’une d’entre elles. Le message arrivait donc brouillé, mais la fouille de sauvetage fut d’un grand intérêt pour la connaissance de ce mode d’incinération : contrairement aux pilleurs de coffres ce sont les objets répandus autour qui retinrent l’attention des sauveteurs. Pour d’autres que des scientifiques ils étaient sans intérêt, rongés d’oxyde, sans valeur: clés, couteaux, anneaux, lampe à suif, nombreux clous de fer; monnaies et fragments de petits objets non identifiables en bronze ; nombreux fragments de céramique noircis par les flammes : tessons de vases, de coupelles, d’assiettes ; fragments de tuiles; du verre bleu fondu par le bûcher. De nombreux outils pour le travail du bois, de la pierre, du fer : crochet de suspension ou élément de crémaillère, herminette, tenaille, forces pour tondre les moutons… le tout mélangé au charbon du bûcher.
La facture des poteries, les pièces de monnaie fixant une limite basse ont permis de dater les tombes : fin du II° ou au plus tard tout début du III°siècle..
Les assiettes et les écuelles ont été heurtées violemment et on distingue le point d’impact, sur un angle ou un objet pointu. L’examen des poteries reconstituées montre que le bris a été volontaire. Le départ du défunt s’accompagnait de la fin symbolique du monde où il avait vécu. La présence d’outils près de l’urne, d’un fragment d’objet familier, d’une charnière du coffre en bois du mort, de la clé de sa maison dans les restes du bûcher autour du coffre cinéraire , de statuettes sans doute propitiatoires : la Mort n’était pas vue comme une fin mais comme le départ pour un mystérieux voyage. 

La même découverte des fouilles  et des  observations semblables furent faites à Bersac à l’instigation de l’instituteur  en 1877. Ci-dessous: un extrait du compte-rendu des fouilles (Archives Départementales de la Haute-Vienne)  

                                                                                                                          

Cimetière gallo-romain de Bersac – rte de Bessines  à 200m du village-  Mise au jour de cippes lors d’une campagne de fouilles . Extrait de communication (1877) . 

Le BSAHL n°26 de 1878, pages 368-371,  rapporte que  » les fouilles de la nécropole dite « Cimetière des Idolâres », au Puy de l’Age,  entre Bersac et Villars, permit la mise au jour d’une 50aine de coffres funéraires sans couvercles – déjà pillés –  et alignés à 1m environ les uns des autres ».

Depuis le passage d’un bulldozer, en 1970, il n’y a plus rien à voir. C’est étonnant comme les bulldozers clarifient les choses. 

  

 Ce mode d’inhumation, longtemps pratiqué , a laissé sa trace en maints endroits habités au début du 1er millénaire.

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En 313 l’empereur Constantin fit basculer le monde vers le christianisme. Au cours d’un long règne (306-337) commencé dans la guerre civile il fonda une nouvelle ville, rétablit la paix, réunifia l’Empire, donna la liberté de culte aux chrétiens et favorisa l’Eglise sans se priver de l’utiliser dans sa politique. Le culte païen fut interdit en 360.

Dans la nouvelle religion le défunt se détache de l’enveloppe corporelle, du monde matériel ; il va dans un endroit où on n’a plus besoin d’outils. Le rite change. Le nouveau Culte en est le grand Ordonnateur. Pour rompre tout à fait avec la coutume païenne de la crémation des dépouilles, il est prescrit de donner une sépulture aux défunts. Ceci en référence aussi au jugement dernier et à la résurrection des morts: La réduction en cendres ne convenait pas. La transition sera brève et sans heurt. Aux coffres du début du millénaire succédent les sarcophages. L’Eglise réservait les bûchers aux sorciers et autres vilaines gens comme un avant-goût des flammes de l’enfer. 

  Le Moyen Age – L’Eglise glorifie ses saints – Les émailleurs de Limoges se consacrent à l’art religieux 

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                                                                      la châsse de l’évêque de Canterbury                                                                                                                                  la châsse d’Ambazac 

  • Ces morts qui devaient un jour ressusciter dans la gloire méritaient d’être bien logés en attendant cette apothéose. C’est pourquoi les artistes limousins , pour abriter leurs vénérables et miraculeuses reliques, fabriquèrent de précieuses petites maisons dont l’émail constituait la décoration extérieure. Très vite les maisons ne suffirent plus et on fit des châteaux, des églises et des ornements admirables de filigranes et de pierreries. (lire « Grandmont – les émaux »)

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Les sarcophages étaient taillés dans le granit et munis d’un lourd couvercle. Solides. On améliora leur confort en modifiant trois fois leur forme  entre le III° et le XII° siècle. Les modes changeaient peu. Simples parallélépipèdes jusqu’au VII° siècle, ils prirent une forme trapézoïdale à l’époque franque, puis entre le X° et le XII° siècle on ajouta une réserve céphalique, un logement pour la tête, siège de l’anima

………………………………………..077 stèle de Bersac 

Il n’est pas rare de trouver dans les fermes un sarcophage au fond percé d’une bonde et qui sert d’abreuvoir. Le premier cimetière paroissial de Bersac contenait plusieurs sarcophages. L’un d’eux, brisé et non recyclable, a été abandonné sur place; on peut le voir contre le mur de l’église. La stèle voisine est décrite comme « un morceau de couvercle retaillé et naïvement sculpté au II° siècle, qui à l’origine recouvrait un corps incinéré. » 

………………………Bersac079 sarcophage à réserve céphalique  

La boîte en granite était réservée à l’usage et à la bourse des personnages importants. Dans les cimetières qui regroupaient les corps des paroissiens autour de l’église, ils se pressaient contre les murs, au plus près de la maison de Dieu. Le tout-venant des paroissiens partait pour l’autre monde avec un simple linceul comme   enveloppe de protection. Dans un sol à Ph 6 – Notes7 – une dizaine d’années suffisaient pour libérer la place dans des lieux saints bien gérés. 

Toponymie:‘’vas’’ patois ‘’vã’’ = endroit où l’on a trouvé des sarcophages (Soubrevas, Les Vaseix )
Etymologie: sarkos chair – phagein dévorer 

Les tombes maçonnées du XIII° au XVI°siècle marquaient pour les proches le lieu de recueillement. Puis apparurent dans nos cimetières modernes des caveaux en pierres taillées ou des chapelles plus ou moins cossues suivant les modes et les fortunes. Les cimetières de La Jonchère abritent de nombreuses dalles – près de l’église – et d’intéressantes tombes-tabatières,  dernières demeures de pèlerins, sans doute après un regroupement à la maladrerie. 

…………………….050 

A voir également au cimetière de La Jonchère le mausolée de l’ingénieur du Paris-Orléans, M. Mignon. Il fit venir de Volvic – par le train – de la lave réputée insensible aux acides . Pour avoir un accès direct il fit percer une nouvelle porte dans le mur d’enclos. Quand ses héritiers ouvrirent le monument ils eurent la douleur d’y trouver parmi des objets de culte un tableau  de Poussin  complètement décomposé par l’humidité. 

……………….Mausolée de 132 l’ingénieur Mignon 

Les inhumations dans les églises: 

Avec la nouvelle religion, l’idée que plus on est proche de Dieu, plus on est sous sa protection, amène à choisir de se faire inhumer dans et autour de l’église. Hors de l’Eglise point de salut! Les sujets de Charlemagne pressent leurs sarcophages contre les murs du bâtiment sacré qui s’élance vers le ciel. Les places à  l’intérieur sont strictement réservées, et payantes. 

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…………………………… »jay enterré au milieu de l’église…. »(…. la femme d’un notable

décès de dame Jeanne Duléry de Peyramont: « le corps a été inhumé dans  l’église » 

 

Deux arrêtés du Parlement, du 21/4 et du 12/6/1758, réservaient cette possibilité aux seigneurs fondateurs et à ceux qui possédaient des droits honorifiques et des prééminences de seigneurs de fief. Les lettres patentes du 15/5/1776 l’autorisaient seulement pour les « archevêques, évêques, curés, patrons des églises, hauts justiciers et fondateurs de chapelles « . En effet cette pratique entraînait de graves inconvénients : le sol de l’église restait irrégulier, malgré les efforts des « fabriques », et il en résultait pour les fidèles un dérangement continuel et le désagrément du « mauvais air « , de la « puanteur « , et  les risques de contamination. 

……………………………………078 église St Pierre la Montagne. On reconnaît la croix cerclée des Templiers. 

Les Templiers de La Croix du Bosc étaient ensevelis sous les pierres tombales de la chapelle de Saint Jean de l’Epinas (lire). Dans l’amoncellement des ruines aujourd’hui laissées à la merci des pilleurs, les plus belles pierres disparaissent, en particulier l’une d’entre elles qui portait le dessin d’un chevalier en armure. Semblables pierres, parfois sculptées, marquent une sépulture dans les églises de la montagne. Parmi les plus intéressantes, sont à voir celles qui ont été réutilisées pour daller le seuil de l’ancien presbytère de La Jonchère. Les motifs qui commencent à s’effacer semblent désigner des tombes de pèlerins, ou d’hospitalotempliers: Ils avaient ouvert et faisaient fonctionner  à Malety une maladrerie. Ci-dessus apparaît dans un cercle la croix lobée des Templiers. 

                                                                                                    ………………..Saint Goussaud 109le champ du civori 

La lanterne des morts de Saint Goussaud

Après être resté oisif pendant une éternité, Dieu se mit au boulot six jours d’affilée, à la suite de quoi il prit un long congé sabbatique. Le premier jour il créa la Lumière et il sépara la Lumière de l’ombre. Depuis cette date mémorable la Lumière, création divine, œuvre primordiale, laisse les Ténèbres à tous les fantasmes, aux démons et aux peurs ancestrales. Il est bien connu que la nuit les cimetières sont le rendez-vous des martes, divinités malfaisantes. Elles prennent leurs ébats dans les martyriums, cimetières du XI°s qui ont laissé leur nom aux lieux-dits Les Martes, Martoulet, Les Martys … Les corps des Chrétiens, c’est-à-dire des gens baptisés, étaient assimilés au corps du Christ-martyr, même quand ils étaient morts dans leur lit.
A Saint Goussaud le Civori est le nom du terrain qui porte la lanterne des morts. Ce même nom ciborium désignait le vieux cimetière du prieuré Bénédictin de La Souterraine. Ciborium a donné ‘’ciboire’’ dans la liturgie paléo-chrétienne. Ce civori était un cimetière de carrefour. C’est le lieu supposé de la sépulture  du saint thaumaturge Goussaud. .
Parmi les constructions les plus insolites et mystérieuses que nous a léguées le passé, figurent en bonne place les lanternes des morts. Construites pour la plupart aux environs du XIIème siècle, presque exclusivement dans le Centre-Ouest, elles demeurent nombreuses en Limousin .
A Saint Goussaud, quand le cimetière de Grand Chemin a été désaffecté et la topographie remodelée, la lanterne s’est retrouvée seule, isolée au milieu d’un pré comme une incongruité. Son origine, son usage, son implantation stimulent la curiosité.
Les historiens s’accordent globalement à reconnaître qu’il ne s’agit pas de signaux destinés à guider le voyageur, un phare terrestre en quelque sorte, mais bien de monuments de foi chrétienne, dont la flamme atteste de l’immortalité de l’âme, et appelle les vivants à prier pour les défunts.
Etaient-elles allumées en permanence comme la flamme du soldat de 14, ou seulement la nuit? au moment des décès? à l’occasion de cérémonies religieuses particulières ? Aucune réponse fiable à ces questions.
Leur approvisionnement en huile végétale moins coûteuse que le suif ou la cire, était assuré par les dons des fidèles. 

Selon Viollet-le-Duc, architecte et écrivain du XIXe siècle, aux travaux renommés,  les lanternes des morts seraient issues de la tradition, perpétuée et modifiée par le christianisme.
D’après Encyclopédia Universalis: « Petit édicule de pierre, ajouré de fenêtres au sommet, où l’on plaçait un fanal allumé pour marquer pendant la nuit l’emplacement d’un cimetière. L’usage de la lanterne des morts est probablement une survivance de traditions celtiques plutôt que le reflet de croyances chrétiennes. Elle se présente en général sous la forme d’une colonne simple, d’une colonne fasciculée ou d’une petite tourelle, coiffée souvent d’une calotte conique surmontée d’une croix. La lampe, introduite en bas de la lanterne par une ouverture, était hissée par une poulie. La lanterne des morts est une exclusivité française. On en compte une cinquantaine environ, situées surtout dans l’ouest et le centre de la France, qui datent toutes des XIIe et XIIIe siècles ».
« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe s – Tome 6, Lanterne des morts « : Les provinces du centre et de l’ouest de la France conservent encore un assez grand nombre de ces monuments pour faire supposer qu’ils étaient jadis fort communs. Peut-être doit-on chercher dans ces édifices une tradition antique de la Gaule celtique. En effet, ce sont les territoires où se trouvent les pierres levées, les menhirs, qui nous présentent des exemples assez fréquents de lanternes des morts. »

                                                                                                                                                                               

 

  Ces monuments ont également turlupiné nos savants voisins de Corrèze et du Lot: Bulletin de la Société des études du Lot, tome VIII,4° fascicule.
Revue des langues romanes, 3° série, tome XI, janvier 1884 : »….M. de Pradou passe ensuite à la lecture d’une étude fort complète  sur les lanternes des morts. Dans la première partie de ce. travail, qui a paru dans un de nos Bulletins précédents, notre savant collègue avait émis l’opinion que l’usage des fanaux funéraires avait pris naissance en Limousin. Depuis, il a reçu l’approbation d’hommes compétents qui le confirment dans cette idée. Plus on s’éloigne du Limousin, et plus ces monuments funéraires deviennent rares; il n’en existe pas dans les départements du Nord et de l’Est, et les habitants de ces contrées avaient trouvé, comme en Limousin, un autre moyen de conserver cette lumière symbolique. On remarque, en effet, dans un grand nombre d’églises, surtout dans le Nord-est, une petite baie pratiquée dans les murs de l’abside, en forme d’oculus, destinée à recevoir une lampe dont les rayons se répandaient sur le cimetière. Quelle est l’origine de cette pieuse coutume? A quelle époque remonte-t-elle ? Dès les temps les plus reculés, nous voyons que les chrétiens avaient l’habitude de porter des lampes dans les funérailles et sur les tombes des morts, comme un flambeau d’espérance et de résurrection vers le IV° siècle, on allumait des cierges dans les cimetières; puis, plus tard, au x° siècle, on imagina en Limousin de les remplacer par une lampe unique qui dominait le champ du repos, et ressemblait, suivant la poétique expression de M. du Chataigner, à cette veilleuse qu’une mère attentive allume près de la couche où repose son enfant chéri. » 

  

Toponymie : Après le passage de Saint Martial et autres voyageurs du Christianisme, les fanums du bord des Chemins deviennent des oradoux  . Le paganisme passe au Christianisme avec ses bagages.
L’obole à Charon

Dans les années qui suivirent la 2de guerre le réseau routier de la commune de Saint Goussaud fut modifié par les Ponts et Chaussées. En ce temps-là les terrassiers s’appuyaient le menton  sur le manche de leur pelle et prenaient le temps de regarder la terre qu’ils  remuaient. On leur doit des découvertes intéressantes. La route fut donc déplacée et élargie à hauteur de l’église et le terrain du vieux cimetière paroissial fut sérieusement écorné, et même réduit à peu de chose. Il n’en subsiste guère que la vieille croix propitiatoire. On découvrit dans le sol  quantité de pièces de monnaie de bronze, épaissies par l’oxydation. On en remplit un bocal. Sols et deniers, livres et décimes; d’après les effigies leur cours légal s’étalait du moyen âge et l’époque moderne (XVIII°s). Il faut savoir que le nocher des Enfers, Charon, le vieillard à barbe grise, prend en charge les âmes des Morts et leur fait traverser le Styx, ou l’Achéron, bref  le fleuve des Morts,  dans sa barque moyennant une obole. Il refuse ceux qui n’ont pas eu de sépulture ou pas de quoi payer. Ceux-là sont condamnés à errer au bord du fleuve comme des âmes en peine. Il faut cracher au bassinet, c’est pourquoi les proches du défunt lui mettent dans la bouche une pièce de monnaie pour acquitter le péage.
2008 : Cette coutume éminemment païenne persiste de nos jours dans nos villages; le mort ne part pas les poches vides, tant est tenace la croyance ou répandue la certitude que partout, jusque dans l’au-delà, l’argent ouvre les portes, et que tout s’achète. 

Dispositions testamentaires

Testament de Léonarde Churoux, veuve de Léonard Richard; Vingt deuxième octobre 1721, Village de Chavanas, paroisse de Jabreilles:…Premièrement après s’être munye du signe de la Sainte Croix sur son corps et recommandé son âme à Dieu le Créateur du Ciel et de la Terre, à la bienheureuse Vierge Marie, à saint Léonard son patron et généralement à toute la cour céleste de paradis qu’elle aye à intercéder envers dieu pour elle, veu et entend que lors que son âme sera séparée de son corps, sondit corps estre porté et inhumé au cimetière dudit bourg de Jabreilles es tombeau de ses feux prédécesseurs, et lui être faits les cinq services généraux et accoutumés par le sieur curé de ladite paroisse ou tel autre prêtre ou desservant, sçavoir au jour de son obit, septaine, quinzaine, quarantaine et bout de l’an, pour ce donne et lègue au sieur prêtre curé de ladite paroisse, la somme de vingt livres pour être employée à lui dire des messes pour le salut de son âme, ladite somme payable dans l’an de son décès, ce à mesure et à proportion que lesdites messes seront célébrées, remettant le surplus à la volonté et discrétion de ses héritiers bas-nommés… 

Testament de messire Léonard Fauveau; vingt trois juin 1723, village de Fursannes, paroisse de Folles: 

……………………minutes 113de  Me Thèvenot 

…à saint Léonard duquel il porte le nom et généralement atous les saincts et sainctes deparadis qu’ils ayent aintercéder envers dieu pourluy veu et entend que lors que son âme sera séparée de son corps sondit corps estre porté et inhumé dans l’église de Périlhac es tombeau de ses feux prédécesseurs si faire se peut et luy estre fait les services généraux et accoutumés aux personnes de sa qualité sçavoir aujour de son obit, septaine,quinzaine, quarantaine et bout de l’an.pendant chacun desdits cinq services il veut qu’il soit donné et distribué aux pauvres qui se présenteront deux sestiers blé seigle mesure de Nieul pour aumône faisant en total la quantité dedix sestiers; outre ce, veut qu’il lui soit dit et célébré dans l’année de son décès des messes pour la somme de cent livres ou bon semblera à son héritière bas nommée les vouloir faire dire et célébrer… 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Christiane Villeneuve nous signale dans « chabatzd’entrar », catégorie « Paysages Limousins », la coutume de la litre, dont la chapelle de Cheissoux, 200 h, près de Bujaleuf dans l’ouest du plateau de Millevaches, conserve la trace sur ses murs depuis plus de trois cents ans:

 Du XVI°s. à la Révolution,  à l’occasion de la mort du seigneur local, on ceinturait le sanctuaire paroissial d’un bandeau noir, soit peint, soit d’étoffe, agrémenté des armoiries du défunt. Pour la cérémonie funèbre la maison de Dieu prenait le deuil; puis, semble-t-il, on grattait les blasons ou on les décrochait du tissu pour les remplacer  par d’autres armes à l’occasion suivante.

 
 
  
 
 
Ordonnancement de cérémonies funèbres à Laurière

Décès de Catherine de Sainte-Maure, (registre des BMS de Joseph Martin, curé de Laurière-microfilm – Archives départementales)30 avril 1677 a été porté le corps de la défunte Madame dans notre église où M. l’Abbé de Grandmont a fait l’office. Y ont assisté les sieurs prieurs de Folles, Bersac, Arrènes, les Srs curés de Jabreilles, Saint Sulpice, Saint Pierre de Fursac….Les Srs…. ont porté ledit corps à sa chapelle… ont porté le drap mortuaire les Srs…..On a donné 40 livres par aumône et quantité de pains, s’étant trouvés 320 pauvres. Monsieur a fait conduire sur un brancard porté par deux mulets le corps de Madame à l’église de Bersac…on l’a conduite, partie par mulets, partie du chemin dans une charrette, à Saint Junien où elle repose dans l’église des Cordeliers…on l’a conduite au Bourdeix où le soir même on la mit dans le sépulcre…le 20 se fit la quarantaine. Monseigneur l’évêque de Périgueux dit la grand’messe, assisté de deux diacres et de deux sous-diacres, où se sont trouvés 60 pauvres et toute la communauté des Cordeliers de Nontron. (à  lire dans »le marquisat de Laurière »)

 Autres décès (compte-rendu dans même registre b m s):

19 août 1770: a été enterré un enfant mâle de quelques mendiants qui ont demeuré à Laurière environ trois mois. Je n’ai pu savoir les noms.(Jh Martin curé de Laurière)   

10 mars 1840: la Commune accorde 2f pour ensevelir deux indigents étrangers à la paroisse

Février 1943: Un enterrement à Saint Sulpice: Un courrier au pensionnat  lui a fait comprendre qu’il ne reverrait pas son grand-père en ce bas monde… La rue de Plaisance interminable, puis le bois des Echelles et là-haut la  maison de famille. Un catafalque noir accroché à une fenêtre désigne la chambre du mort. Deux initiales au milieu des broderies d’argent: V J pour Victor Joly. Embrassades. Sanglots. Les larmes familiales coulent sur  les joues du petit-fils. Dans la maison on parle à voix basse, on se déplace à pas feutrés. On a arrêté la pendule de la cuisine, recouvert de draps les miroirs de l’entrée, du salon, et là-haut les armoires des chambres. Il est pris en charge par le cousin René, qui veille discrètement à tout. Dans la pénombre de la chambre le corps a les mains croisées sur la poitrine, ces mains qui furent si habiles et  laborieuses: la Compagnie, puis la ferme, la construction et l’aménagement de la grande maison; et  il trouvait le temps de fabriquer des jouets pour son petit-fils: la petite brouette sur le modèle de la sienne grande. Son ami Louis Valaud, le forgeron, avait cerclé la roue; une merveille qui avait résisté pendant de longs mois aux mauvais traitements. Le gamin remplaçait un peu dans son cœur le fils qu’il avait perdu. Le grand-père représentait l’image du père absent.  »mon pépé… » De grosses larmes roulent de ses yeux. Il aimerait  retrouver l’étreinte chaleureuse en se jetant dans les bras du vieux et mais il découvre l’indifférence de la Mort pour le monde des Vivants, un  visage de cire marqué par  les souffrances, et ces yeux fermés pour toujours.  »Embrasse-le une dernière fois ». Le contact de la joue froide. Sanglots. Il est trop tard pour exprimer son affection.
Un pas lourd dans l’escalier: Jean Dunet, le menuisier. Il déploie les branches de son mètre, il sort un calepin. Un rameau de buis trempe dans un bol d’eau bénite sur la table de nuit; il le secoue au-dessus du mort. Ses pas s’éloignent et la maison redevient  silencieuse, frappée de stupeur.
Marcelin et la cousine Marguerite sont là. Marcel Lavaud est venu de Jabreilles et Henri Noël du Moulin Blanc de Bessines pour honorer leur cousin, leur ami secourable. La veillée mortuaire s’organise autour du lit . Une rangée de chaises contre le mur. Le cousin René demande aux grands-mères d’aller se coucher, avec la promesse de les appeler avant le lever du soleil. Commence alors  une longue nuit glacée. Une bougie charbonne sur la cheminée. On parle du mort, de la Mort, du fils du mort tué en 40, des Boches. Le gamin bâille, on l’envoie se coucher.
Le jour suivant  dans la chambre  mortuaire, « on donne l’eau bénite  » au défunt grand-père, on compatit avec la famille. La population est informée du décès et de l’heure de l’enterrement par  » lo pîto Cathérino », une vieille toute ratatinée qui trottine de porte en porte comme une souris  pour annoncer la nouvelle:  » lou bounsé à vôtré! qué per le décès dau paï Joly Victor dau Bourg o s’intaro damo ser à trei houras à l’éilléjo o io diré à votro vésino Mélina né pas pougu la véré trei houra porta-vous bien »
Le père Lachaud a étrillé son cheval et habillé le corbillard de tentures noires à larmes d’argent. Tintement du glas. Dans le silence du village les bruits lointains  du Dépôt semblent saluer le départ du vieux mécanicien. Sur le parvis, l’abbé Mialou et deux enfants de chœur en surplis noir et blanc, armés d’une croix, accueillent le mort.
A l’issue de l’office funèbre le cortège se reforme en direction du cimetière. Des hommes sortent  du bistrot du cousin Maurice et viennent se joindre au cortège. Un repas a été préparé par le cousin à l’intention de Jean Dunet et de trois autres porteurs du cercueil . « La petite Catherine » provoque un incident sur le chemin du cimetière: Elle ouvre la marche en poussant des cris effrayants. Quelqu’un se détache  pour lui demander de se calmer.
Le cercueil du grand-père est déposé devant la gueule béante du caveau . Le goupillon du curé passe de main en main et dessine un vague signe de croix à l’eau bénite . Puis ce sont les condoléances à la porte du cimetière. Sur deux rangs, hommes à droite, femmes à gauche, la famille reçoit une parole de compassion et de réconfort, une poignée de main ou une embrassade. On répond  »merci d’être venu ». Le cousin René précise:  »merci d’être venu, Père Untel, lequel est flatté d’être ainsi identifié  et distingué. Puis il revient seul  au caveau où le maçon replace la dalle.
Le petit-fils rejoint le pensionnat avec un ruban noir au revers du col . Les femmes se montreront avec un chapeau et un voile noirs. Le noir c’est depuis toujours la couleur des habits de nos paysannes sans âge qui  portent sur elles une accumulation de deuils et de misères.
 

   

Le chemin des morts – Les pierres d’attente des morts – les reposoirs. 

 église de st pierre

  

Le trajet des porteurs –  » le chemin des morts » (voir cadastre Laurière) – était jalonné de pierres plates  disposées à quelque 80 cm du sol, qui marquaient pour les porteurs des étapes entre le domicile et la dernière demeure du disparu.  Ces dalles ont perdu leur usage puis ont cessé d’exister. A l’entrée de l’église (ici celle de Saint Pierre-la-Montagne) la dernière pierre d’attente marque la fin du trajet en ce bas monde. La procession qui manifestait son attachement au  lien antérieur se termine là où le curé prend la dépouille en charge. 

 
 
 
 
 
 
 
 
Les concessions à perpétuité

Les cimetières de Saint Michel-Laurière et de Saint Sulpice-Laurière.  Comptes-rendus de visites – 1781 – et  »déclaration du cas de l’interdit attendu leur situation et la proximité de l’église et des maisons du bourg »:

                        »Le cimetière de Saint Michel n’est éloigné que de 12 pieds de la maison qu’occupe le métayer du sgr de Tranchecerf, de 8 pieds de l’église paroissiale et de 66 pieds de la maison curiale; ledit curé nous dit qu’en année commune il pourrait se faire environ 55 enterrements. Superficie 2456 pieds ».

                        »Le cimetière de Saint Sulpice: éloignement de 12 pieds du presbytère, 5 toises du cabaret de Pierre Gargaud, 20 toises environ de la maison de Pierre Dutheil, 21 toises de l’église. On y fait environ 18 enterrements par an. Superficie 4968 pieds ». 

Jusque vers 1850 les tombes étaient anonymes. On enterrait pour un temps très court: quelques années ou quelques décennies. Les morts qui  étaient installés autour de l’église, au coeur de la paroisse,  devaient partager l’espace avec les vivants sur terre et leur place était convoitée par de nouveaux arrivants. Cette situation précaire conduisit le clergé à ordonner le déplacement des cimetières à l’écart des habitations. Comme on l’a vu, le bourg de Saint Sulpice s’était  établi sur un affleurement rocheux et les tombes n’étaient pas faciles à creuser. La population connaissait un rapide accroissement. Les décès par épidémies ou par accidents ne manquaient pas. Il fallut aviser et suivre l’ordonnance de l’évêque, vieille d’avant la Révolution. Thèvenot le maire acheta au curé   sur les pentes raides du Rivalier un  terrain qui porte encore aujourd’hui le nom de « Cimetière » mais que la population jugea totalement inadapté. Noël le cabaretier offrit une parcelle qui fut l’amorce de l’actuel « Champ de Repos », et même de repos éternel puisque la concession perpétuelle date de cette époque  : Les familles que la vie dispersait se trouvent rassemblées dans la mort sous la même dalle. C’est aussi de ce temps  que date le mobilier: inscriptions, couronnes en perles bleues ou blanches montées sur fil de fer, fleurs artificielles, plaques offertes par les camarades de travail, les amis cyclistes, le club du troisième âge. D’autres plaques, de porcelaine, peintes par des artistes porcelainiers de Limoges, sont de véritables oeuvres d’art et à cause de çà sont dérobées   pour de morbides collections. De certaines il ne subsiste qu’une photo:

 

 

 Les monuments aux morts

Après la tuerie de 14 furent érigés dans les communes des cénotaphes aux formes variées: obélisques, colonnes brisées, statues, stèles, urnes funéraires. Généralement sur la place du village, parfois dans le  cimetière communal comme à Jabreilles. Ils portaient la liste des tués du village. Leur destination était l’hommage collectif à ceux qui avaient été massacrés collectivement et que les leurs n’avaient jamais revus . Le point de ralliement des orphelins, des veuves et de toute la communauté. Peut-être aussi, dans l’inconscient populaire, un point d’ancrage pour les âmes errantes des morts sans sépulture.
Le dernier poilu et la dernière veuve de 14 ont quitté cette vallée de larmes. Le rite du dépôt de gerbe-discours du maire-fanfare municipale déplace une assistance clairsemée dans le meilleur des cas . 

Les rites sont  bâclés.

                                                                                                      112 Bersac – l’inauguration du  monument aux Morts 

Mais une nouvelle sensibilité se développe qui consiste à garder le souvenir des erreurs du passé. C’est une nouveauté qu’on appelle le devoir de mémoire. Dans cet esprit on pourrait peut-être rafraîchir la symbolique des monuments aux morts. ça serait pas un luxe….                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             

 Encore un souvenir du vieux: Si un jour vous visitez la charmante cité de Nieul  peut-être remarquerez-vous, au bout de l’allée de marronniers du parc, adossé au château, le buste en bronze d’Emile Foussat, l’ancien maire  qui fut assassiné par ceux qu’à l’époque les gens mal polis comme moi appelaient « les Boches ». Je travaillais à Nieul dans les années 60, et j’eus un jour la surprise de voir un groupe de jeunes  d’apparence physique normale, qui s’appliquaient à canarder comme à la foire, avec des marrons, la binette de notre pauvre   père Foussat.  Les coups au but qui résonnaient sur le métal étaient salués par des hurlements. Le vieux maire était fusillé une deuxième fois.  A ma demande l’adulte qui les accompagnait – sans toutefois participer au jeu dois-je reconnaître –  fit cesser le tir. Le groupe se dirigea en ordre et en silence vers le stade municipal. Ils parcouraient le pays d’un terrain de foot à l’autre; ils étaient programmés pour ça. A leur requête on avait rassemblé péniblement et  à la hâte  une douzaine de joueurs de bonne volonté pour une « rencontre amicale », et en remontant dans leur car immatriculé en R F A  nos jeunes amis  étaient persuadés qu’ils étaient partout les meilleurs, les plus forts,  dignes de leurs ancêtres et de leur grand pays. 

 Et toujours sous  forme anecdotique je complète mon récit en signalant que les B… – pardon: les soldats  d’Oradour sur Glane – vinrent s’installer à Nieul dans la cour de l’école le soir du 10 juin 44 après leur journée de travail. C’est pas loin: une dizaine de km à vol d’escarbilles; on voyait monter la fumée et voltiger des cendres .

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La mort au IIIème millénaire:

……….1°/En toute chose les nouvelles modes sont  souvent des retours aux anciennes La crémation peut être vue comme une concession au modernisme de la part de l’église. Elle connait un regain de faveur. C’est ce qui se pratiquait  à l’époque pré-Constantinienne, au temps des coffres à incinération. Mais le procédé s’est amélioré.  La forme moderne de la réduction en cendres: La promession, the freeze-dried burial method of the Dr Susann Wiigh-Mäsek, le top de la funéraille écolo, nous vient de Suède: là-bas on plonge le corps dans l’azote liquide, (-196°), il devient friable; on le place sur une table vibrante; il tombe en poussière; on récupère les objets métalliques; on place la poudre dans une urne biodégradable; on enterre les restes.
 L’embaumement , vulgairement: « la naturalisation »; très  vulgairement: « l’empaillage »,  pratiqué sur les pharaons soviétiques et égyptiens, mais  également en vogue aux Amériques  sous le nom de thanatopraxie (Thanatos = divinité grecque de la Mort): le formol et les produits de maquillage donnent à la mort l’apparence d’un sommeil paisible.
Ces manières d’assaisonner les cadavres complètent et enrichissent les  pratiques perpétuées de génération en génération. On veut faire toujours mieux que la tradition ancestrale, avec la vague idée venue du fond des âges qu’on ne sera pas embêté par les revenants, par les âmes en peine qui errent faute d’avoir été traitées décemment et viendraient vous tirer par les pieds.
……….2°/L’évolution de la société entraîne une évolution des mœurs. Dans la France rurale où tous les villageois étaient plus ou moins parents, la mort concernait l’ensemble de la communauté et le glas rassemblait le voisinage dans un même moment de deuil. Notre monde moderne a fait disparaître la mort du quotidien. 80% meurent à l’hôpital (2005). Les cimetières ont quitté le cœur des villes. Jadis jardins publics, ils sont maintenant séparés des vivants par des murailles. Cas particulier: au cœur de Paris, les cimetières sont semblables à des musées, ce qui n’est pas forcément incompatible avec le recueillement. Par quel nom en -thèque devrait-on désigner ces regroupements  de personnages célèbres: écrivains, musiciens, acteurs de théâtre ou de politique qu’on rencontre au Père Lachaise?
……….3°/Les trois derniers siècles ont conduit à une approche plus scientifique que religieuse: Au XVIII° siècle les Lumières ont donné de la Mort un nouvel éclairage : elle cesse d’être une punition divine pour devenir l’issue normale, naturelle et logique de la vie. Au XIX°s, avec les progrès de la science et de l’hygiène, la vie cesse d’être dans les mains de Dieu pour passer à la compétence du monde médical. Au XX°s la médecine affirme sa toute-puissance et nous apprend à distinguer la mort biologique, la mort cérébrale, la mort cellulaire, etc. Le médecin peut réanimer, prolonger artificiellement la vie, ou pratiquer l’euthanasie passive. Au nom du droit à mourir dans la dignité on multiplie les lits de soins palliatifs. La Mort s’est technicisée et plus que jamais commercialisée.
……….4°/Ce tableau serait incomplet s’il n’était pas fait mention de l’importance que donnent à la toilette mortuaire nos compatriotes juifs et musulmans, modèles de fidélité à leurs coutumes religieuses par delà le modernisme.(v.note 9)                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            

………. 

 

Fin XIX° siècle: la société commence à perdre  ses racines rurales et  avec elles ses traditions. La Presse d’alors rappelle les convenances.prospectus du mag Scabieuse 1875

1er novembre 2005

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